Anyama, deux années sans eau

Vingt- quatre mois sans une goutte d’eau dans les robinets d’Anyama. Le quotidien des populations de cette banlieue d’Abidjan se résume à la quête effrénée du  précieux liquide pour le ménage . Nous  nous sommes rendus  dans la cité de la cola le mercredi 3 septembre 2014  pour  nous imprégner des souffrances de ces populations.

9 heures. Le quartier ancienne gendarmerie, situé à l’entrée d’Anyama est animé. Les femmes sont attroupées par grappe. Ces lieux, des bas fonds, des ruines de tuyaux cassés. Des repères sûrs pour obtenir de l’eau. Sur pieds depuis 1 heure du matin, ces femmes sont fatiguées, exaspérées , lassées. Les cernes sous les yeux ressemblent à des globes trotteurs.  Ces dernières ne s’habituent pas aux bagarres, aux longues heures de marches ainsi qu’aux attentes interminables. Dans tous les ménages à Anyama, les bidons 5 litres, barriques et autres mini-citernes font partie intégrantes des ustensiles désormais. Des accessoires très en vogue.  Et à situation  exceptionnelle, habitudes d’hygiènes modifiées. Prendre une douche une fois le jour est le mot d’ordre des mères, un règlement strict de ces chercheuses d’eau. Les vêtements sont lavés à fréquence réduite. Des commerçants voient leur activité tournée au ralenti. Samba Diakité, le teinturier du quartier, songe à une reconversion. Son chiffre d’affaires est quasi inexistant. A Anyama,  inutile de parler de la prévention d’Ebola. Se laver les mains à chaque moment, une information qui sonne comme une provocation  »on cherche l’eau pour boire, on se lève tôt pour aller chercher l’eau à boire, vous nous démandez de  gaspiller. On ne peut pas respecter ce que nous dit le gouvernement. Si mon enfant s’amuse avec mon eau , je lui fais passer un sale quart d’heure » s’énerve Mariam Cissé, l’une d’entre elles.

“Djitigui ambulants”, un néo commerce qui se porte  bien.

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crédit photo: Rita Dro

Quand le malheur des uns devient fonds de commerce pour les autres. Dans cette situation de sévère pénurie d’eau, des propriétaires de tricycles, chariots, brouettes et autres engins roulants sont dans leur période de vache grasse.

A 150F le bidon de 5 litres, le chariot de 30 bidons pour une dizaine de voyages par jour, Traoré Sékou perçoit plus qu’un fonctionnaire moyen. A en moyenne  45000 Fcfa le jour, ce dernier profite pleinement de cette situation de rareté et souhaite même que l’eau ne revienne pas. Son commerce, sa famille en dépend. La demande est forte et lui est très motivé. Son business est au beau fixe. Comme lui, ils sont nombreux  ces nouveaux commerçants ambulants d’eau. La concurrence est rude mais chacun a  pour son compte.

La part de l’Etat

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crédit photo Rita Dro

l’Office Nationale d’Eau Potable (ONEP), structure étatique, a décidé, depuis le début de cette crise de l’eau, de servir la population en eau par le biais des citernes. Seulement la fréquence du service n’est  pas du goût des populations. Une fois la semaine pour une barrique d’eau à une famille nombreuse, le calcul n’y est pas. Une inadéquation qui ne fait que grandir la colère des habitants de ce quartier. D’autres éléments  viennent se greffer. La corruption et le favoritisme  sont décriés par ces femmes. Avec ces années, une familiarité est née entre  ces agents serveurs d’eau et certaines familles. Et ce au grand dam de celles restées dans les longues filles d’attente. Interrogée, la société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire rassure encore et encore mais toujours rien. Et pendant ce temps, voici en images ce qu’est le quotidien de ces populations.

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crédit photo: Rita Dro
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crédit photo: Rita Dro
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crédit photo: Rita Dro

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