Monsieur N'Goran, mon éducateur.

Monsieur N’Goran. Pour nous, c’était “N’Goran-la loi”. N’Goran la terreur. Je suis émue. Les souvenirs, les bons souvenirs du lycée moderne de Séguela. 1994, mon certificat d’entrée en sixième est frais. La joie d’enfiler mon tout nouveau bleu blanc est incommensurable. Je suis euphorique. Je vais retrouver mes amis “Gbao”, nouveaux lycéens. Abib Gauzé, Séhi Bleka Gildas, Bzair Gazoi, kiessé Aya Corine, Agnero Nomel wilfried, Bouabré Herman, Aka Tanoé.

Cette joie, cette euphorie va vite rencontrer un obstacle de taille. Elle va se limiter au regard de ce » monsieur la loi.”

Monsieur N’goran était de taille moyenne. Pas mince ni gros non plus. Il ne souriait pas beaucoup. Enfin presque jamais. Et c’était fait à dessein. Pour mieux nous intimider, nous traumatiser.

Toujours matinal, ponctuel, il était le premier à ce fameux portail rouge rouillé de ce lycée. Seul ou accompagné, il était là déjà à 6 heures.

Objectif : passer au peigne fin nos tenues, nos cheveux, nos chaussures…,notre état. Quoi qu’il advenait, il fallait être propre, impeccablement bien fourré .

Chaussures fermées exigées, dernier bouton aussi. Nos modèles de jupes devaient être toutes des volantes. “Des paysannes”, ça s’appelait. Elles devaient impérativement dépasser les genoux. Les chemises également ne devaient pas être près- du- corps. Ah si M. N’Goran était encore de ce monde, c’est un infarctus qui l’aurait emporté à la vue des tenues d’école de mes petites sœurs.

Il était toujours muni d’une paire de ciseaux. Un indispensable pour  couper les tignasses rebelles et les sandales.

Autre outil de travail : la chicote. Oui, M. N’Goran fouettait les teigneux, les indisciplinés, les bavards. Les derniers de classe savaient à quoi s’attendre avec lui. Au drapeau, en fin de trimestre, au vu et au su de tout le monde. Monsieur l’éducateur matait filles comme garçons. Ma voisine Bzair Gazoi libanaise y est passée. Et le pire c’est qu’il avait la caution, l’aval et même l’appui des parents. Ah la bonne vieille époque.

Au lycée moderne de Séguela, il y avait les retenues sur les notes de conduite aussi M. N’Goran et son arsenal de terreur.

Nous avons une peur bleue de ce monsieur. Personne ne voulait le croiser ni avoir affaire à lui. La crainte était telle que le proviseur se servait de son nom pour intimider les récalcitrants. Après avoir entendu ce nom, tous devenaient dociles.

Son attitude, son caractère, c’était pour nous inculquer la décence, la discipline, l’amour du travail. Ce fut traumatisant mais cela nous a beaucoup aidés. Aujourd’hui encore, je porte les marques de M. N’Goran. Toujours fourrée, chaussures fermées. je tiens cela de lui. Élève journaliste, je tiens à rendre hommage à ce grand homme de la rigueur qui enseignait à sa façon l’excellence.

Oraison peu flatteuse, mais reste un hommage quand même.

Notre N’Goran la loi, n’est plus de ce monde.  Accusé d’avoir empoisonner un ami, il n’a pu supporter et s’est ôté la vie. Triste. J’aurais bien voulu lui dire merci de vive voix.

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